Être noir en France et aux Etats-Unis

Il est très intéressant de voir la différence de perception à ce sujet entre France et Etats-Unis. Aux Etats-Unis, l’ethnie (ou la race en bon américain) de quelqu’un est un élément structurant dans la société, et profondément politique. Être noir c’est se voir « imposer » un héritage, aussi bien positif (la lutte pour les droits civiques, des traits culturels) que négatif (violences policières, discriminations en tout genre).

La race est un déterminant collectif, pour lequel l’individu n’a finalement pas son mot à dire. A tel point d’ailleurs qu’ils incluent dans les « african-american » toute personne ayant ne serait-ce qu’une goutte de sang noir. Est-ce que Rihanna est african-american, sachant qu’elle vient de la Barbade ? Aux US ça ne fait aucun doute. De plus, nier à un individu son appartenance à une race (comme ils ont le sentiment que nous le faisons), c’est lui nier tout l’héritage qui est associé. C’est en cela que c’est outrageant pour des américains qu’on ait notre position.

En France, c’est plutôt la non-reconnaissance de la race qui est un élément politique, et même structurant pour notre démocratie. Il est évident que ces joueurs ont des origines africaines, personne ne le nie. Mais l’affirmer, sans que eux-mêmes n’aient leur mot à dire, est perçu pour nous comme offensant, car c’est poser l’hypothèse qu’ils sont définis avant toute autre chose par leur race, et que par conséquent ils sont potentiellement en dehors la République.

Le débat est d’autant plus fort que aussi bien la France et les Etats-Unis ont des modèles de société universalistes, c’est-à-dire qui ont vocation à s’imposer au monde entier. Cela renforce d’autant plus notre incapacité à nous comprendre : chacun accuse l’autre d’avoir des prétentions universalistes, et les réfute d’autant plus fortement qu’elles sont contraires à son propre modèle.